
L’annonce est tombée sur BFM TV comme un miracle dans ce paysage morose : Doctolib est enfin rentable.
Douze ans.
12 années de pertes cumulées. Des centaines de millions d’euros brûlés. Et la réaction unanime ? « Quand même, 12 ans, c’est long. »
Faux. Archi-faux. Et c’est précisément cette incompréhension qui révèle pourquoi tant d’entreprises échouent là où Doctolib a réussi.
Car voici la vérité que personne n’ose dire : perdre de l’argent pendant 12 ans dans la santé n’est pas un bug, c’est une fonctionnalité. C’est même la seule stratégie viable quand on veut construire un monopole infrastructurel dans l’un des secteurs les plus réglementés au monde.
Laissez-moi vous expliquer pourquoi tout le monde se trompe sur Doctolib.
L’idée reçue n°1 : « 12 ans, c’est beaucoup trop long »
Comparons avec les géants de la tech. Amazon ? 9 ans avant sa première année profitable. Uber ? 15 ans et toujours pas totalement rentable dans tous ses marchés. Spotify ? 13 ans. Tesla ? 17 ans.
Attendez, ce n’est pas une simple question de temps. C’est une question de barrières à l’entrée.
Dans la tech classique, vous pouvez lancer une app et toucher 10 millions d’utilisateurs en 6 mois. Dans la santé ? Vous devez :
- Convaincre chaque médecin un par un
- Respecter le RGPD et le secret médical (bonne chance)
- Intégrer les systèmes informatiques obsolètes des hôpitaux
- Gérer la réglementation de trois pays différents (France, Italie, Allemagne)
- Former les praticiens qui, pour beaucoup, découvraient l’informatique
12 ans pour construire un réseau de 420 000 soignants et 90 millions de patients ? Ce n’est pas long. C’est le temps minimum incompressible pour bâtir un monopole de facto dans l’infrastructure médicale européenne.
C’est cette lenteur qui a créé la valeur. Chaque année creusait un peu plus le fossé entre Doctolib et ses concurrents.
L’idée reçue n°2 : « Doctolib est en position de monopole dangereux »
Affirmatif, Doctolib ultra dominant, 50 millions de patients en France. Vous avez simplement à demander à votre médecin comment prendre rendez-vous ? Doctolib !
Vous négligez un point majeur : ce monopole est déjà en train de se fissurer. Et le coupable ? L’intelligence artificielle.
Parce que pendant que Doctolib construisait laborieusement son réseau patient par patient, médecin par médecin, une nouvelle génération de startups a compris quelque chose. Elles n’ont pas besoin de reconstruire un réseau de prise de rendez-vous. Elles peuvent directement attaquer le cœur du métier médical avec l’IA générative.
En 2024-2025, une dizaine de startups françaises ont lancé des assistants IA pour médecins : génération de comptes rendus, rédaction de courriers, suggestions de diagnostic, gestion administrative automatisée. Des entreprises comme Nabla, MédecinDirect, ou Alan proposent déjà ces services.
Et devinez quoi ? Elles n’ont pas eu besoin de 12 ans. Elles n’ont pas eu besoin de convaincre 420 000 médecins. Il leur suffit d’un chatbot, d’un bon modèle de langage, et d’une stratégie d’acquisition agressive.
Les cartes sont rebattues.
L’idée reçue n°3 : « L’IA va remplacer les médecins »
Parlons de l’assistant de consultation de Doctolib, lancé en octobre 2024. La presse en a fait des tonnes : « L’IA arrive dans les cabinets médicaux ! » Sous-entendu : les médecins vont perdre leur emploi.
Sauf que c’est exactement l’inverse.
L’IA ne remplace pas les médecins. Elle les libère des tâches administratives qui les épuisent. Un médecin généraliste passe 40 % de son temps à faire de la paperasse : rédaction de comptes rendus, courriers aux spécialistes, dossiers administratifs. 40 % de temps volé à l’écoute, au diagnostic, à la relation humaine. C’est titanesque.
L’assistant IA de Doctolib n’est pas un médecin de substitution. C’est un secrétaire ultra-qualifié qui travaille gratuitement.
Résultat concret ? Les premiers retours terrain montrent que les médecins équipés de ces outils gagnent entre 30 et 45 minutes par jour. Sur une carrière de 40 ans, c’est l’équivalent de 3 années de travail récupérées.
Mais voici le vrai enjeu : cette IA ne profite pas qu’aux médecins. Elle profite surtout à Doctolib. Chaque fois qu’un praticien utilise l’assistant de consultation, Doctolib récupère des données sur les pratiques médicales, les pathologies traitées, les protocoles utilisés. Des données qui vaudront de l’or pour entraîner les prochaines générations d’IA.

L’idée reçue n°4 : « La rentabilité, c’est la fin de l’innovation »
Stanislas Niox-Chateau l’a dit dans son interview : la rentabilité permet d’être « maître de son destin ». Traduction : moins dépendre des levées de fonds, moins subir la pression des investisseurs pour la croissance à tout prix.
Mais l’erreur serait de croire que rentabilité rime avec stabilité tranquille. Au contraire.
Doctolib est rentable depuis quelques semaines. Autant dire : fragile. L’entreprise affichait encore une perte d’EBITDA ajusté de 53,8 millions d’euros en 2024. Ce n’est pas une marge confortable, c’est un équilibre précaire.
Et cette précarité est une bonne nouvelle. Car elle force Doctolib à innover. Vite. L’entreprise n’a pas le luxe de s’endormir sur ses acquis. Elle doit maintenant transformer son infrastructure de rendez-vous en plateforme d’IA médicale avant que quelqu’un d’autre ne le fasse.
Trois nouvelles solutions lancées en mai 2025. Un assistant de consultation en octobre 2024. Doctolib est en train de réinventer son propre produit alors même qu’elle vient tout juste d’atteindre la rentabilité.
C’est le contraire de l’immobilisme. C’est de la survie.
Parce qu’en entreprenariat stagner c’est mourir.
Le vrai risque : pas le monopole, mais l’obsolescence
Voici le scénario que personne n’anticipe. Dans 5 ans, un médecin ne choisira pas son logiciel en fonction de la prise de rendez-vous. Il le choisira en fonction de la qualité de son IA.
Quelle plateforme a le meilleur assistant diagnostique ? Quelle plateforme rédige les comptes rendus les plus précis ? Quelle plateforme analyse les antécédents médicaux le plus intelligemment ?
Et là, Doctolib n’a plus d’avance structurelle. OpenAI, Google DeepMind, Microsoft Health pourraient débarquer demain avec des LLM surpuissants, avalés par les géants américains ou chinois de la tech.
Le réseau de 420 000 médecins ne protège pas contre l’obsolescence technologique. Les médecins changeront de logiciel s’ils trouvent mieux ailleurs. Ils l’ont déjà fait une fois en quittant les agendas papier pour Doctolib. Ils le referont.
Ce que Doctolib s’empresse de faire (pour survivre)
Pour rester dans la course, Doctolib doit cesser d’être une plateforme de gestion et devenir une plateforme d’intelligence. Voici les trois paris stratégiques que l’entreprise doit faire dans les 24 prochains mois :
1. Investir massivement dans l’IA propriétaire
Doctolib ne peut pas dépendre éternellement d’OpenAI ou d’Anthropic pour ses modèles de langage. Elle doit développer ses propres IA, entraînées sur les données médicales européennes, respectueuses du RGPD, et spécifiquement optimisées pour les pathologies locales.
L’avantage ? Les données. Doctolib a 12 ans d’historique de consultations, de pathologies, de prescriptions. Si elle sait exploiter ce trésor, elle peut créer l’IA médicale la plus performante d’Europe.
2. Élargir l’écosystème au-delà du cabinet médical
La vraie bataille ne se joue pas dans le cabinet du généraliste. Elle se joue dans l’hôpital, dans les laboratoires d’analyse, dans les pharmacies, dans les assurances santé.
Doctolib doit devenir l’OS de la santé européenne. Le système d’exploitation invisible qui connecte tous les acteurs. Si demain, votre pharmacien, votre radiologue et votre mutuelle utilisent tous Doctolib, alors oui, le monopole devient inattaquable.
3. Internationaliser (pour de vrai)
Trois pays, ce n’est pas une expansion internationale. C’est un début. L’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Espagne, la Pologne : autant de marchés où Doctolib pourrait répliquer son modèle avant qu’un concurrent ne s’installe.
Chaque année de retard est une année où un concurrent local prend racine. Et dans la santé, la localisation compte énormément : langues, réglementations, pratiques médicales.

La bataille n’est pas finie, elle ne fait que commencer
On se réjouit de la rentabilité de Doctolib comme si c’était une ligne d’arrivée. C’est une erreur de perception. La rentabilité n’est pas une fin en soi. C’est le carburant qui va financer la vraie bataille : celle de l’IA médicale.
Parce que dans 10 ans, personne ne se souviendra de Doctolib comme « la plateforme de prise de rendez-vous ». Soit Doctolib sera devenu l’intelligence artificielle qui assiste 90 % des médecins européens dans leurs diagnostics. Soit elle sera devenue une simple commodité, supplantée par des IA plus performantes venues d’ailleurs.
12 ans pour construire un réseau. Combien de temps pour le défendre contre l’IA ? Stanislas Niox-Chateau a peut-être 3 ans. Pas plus.
Et c’est là que réside toute l’ironie de cette annonce : au moment précis où Doctolib devient rentable, elle entre dans la phase la plus risquée de son existence. Celle où elle doit tout réinventer, tout en conservant son modèle économique.
Bienvenue dans l’âge adulte de la tech santé. C’est terrifiant. Et passionnant à la fois.
L’IA transforme la santé, et pas que pour Doctolib
Vous êtes entrepreneurs, chef de projet ou dirigeant d’un grand groupe ? L’IA ne vous remplacera pas. Mais quelqu’un qui maîtrise l’IA, lui, vous remplacera.
Chez The French Bot, nous accompagnons les professionnels dans leur transformation par l’intelligence artificielle. Assistants IA sur mesure, automatisation des tâches administratives, formation de vos équipes à ces nouveaux outils : nous vous aidons à ne pas subir cette révolution, mais à en profiter.
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Parce que dans 5 ans, la question ne sera plus « Faut-il utiliser l’IA ? » mais « Pourquoi avez-vous attendu si longtemps ? »
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Julian & L’équipe The French Bot
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